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La Petite Fille et la Louve

Photo du rédacteur: Sabrina GuigouSabrina Guigou

Compte rendu d'une auto-séance.



 

Alors que je me réveille avant le jour, dans un état émotionnel que je connais bien, que j'ai déjà traversé tous les matins durant de longues années sans jamais trop savoir comment l'écouter, je prends le temps de m'étirer, de me centrer, et je viens à mon écoute.

Je viens écouter, observer, ressentir ce mélange particulier de sensations physiques et d'émotions. Un genre d'abîme où flirtent un désespoir, une peine infinie et une profonde solitude.


Aujourd'hui je suis outillée, j'ai ce qu'il faut pour descendre dans ce puit profond. Je suis assurée par un bon harnais, une lampe torche, et une certaine sécurité intérieure. Alors je descends, je me pose, je ressens, je vois, je sens, j'entends.

Et cette phrase qui m'arrive : "Abandonnée dans la souffrance."


Je connais mon histoire, et je pense être en présence de cette petite fille que j'ai été, ce petit bébé qui s'est sentie abandonnée. Alors que ma disposition intérieure est à l'accueil de ce nouveau-né, et que je trouve déjà du soulagement à travers des soupirs, je suis surprise par ce que je vois arriver sur mon écran intérieur.


Un tas d'images, comme des photos illustrants des souvenirs, se mettent à défiler devant mes yeux intérieurs à une vitesse vertigineuse... Chariant avec eux une vague d'émotion forte.

Je comprends alors que pour le moment je ne suis pas en lien avec la partie de moi qui s'est sentie abandonnée. Mais avec celle qui a senti qu'elle abandonnait.

Je n'ai pas entendu "Abandonnée dans la souffrance", mais bien "Abandonner dans la souffrance". Deux parties de moi qui forment les deux faces d'une même pièce.

Et j'ai vu défiler, mon premier chien que mon père a dû ramener à la S.P.A après quelques mois passés avec nous, j'ai vu passer devant mes yeux le portrait de mon cher papi me disant au-revoir pour la dernière fois avec cette pensée que je l'avais laissé tomber lorsqu'il était entré dans cet établissement où il m'était tellement pénible de rentrer...

Mon frère que j'avais aussi laissé pour pouvoir faire ma vie avec mon homme et notre bébé.

Mon père que j'avais laissé se debrouiller dans sa chimio, ayant à l'époque plein de véritables excuses pour ne pas l'accompagner...

Ma chienne que j'ai laissé se faire hospitaliser seule loin de chez nous alors que je sentais que ça n'était pas ce qu'il lui fallait. Ma mamie que je laisse aussi dans cet établissement sans aller la visiter...

Mon cher Pilgrim, mon petit furet malade et mourant que j'ai laissé car j'étais la témoin du mariage de mon meilleur copain, et qui est mort seul pendant ce temps...

Jolga, la chienne qui était sous ma responsabilité et qui se retrouve maintenant en refuge car elle a mordu notre petit...

Et ça a ainsi continué de défiler. Les images, et les pensées, les sensations et les émotions. Me montrant toutes les fois où mon coeur a senti qu'il abandonnait l'Autre, seul, dans sa souffrance...


Et j'ai accueilli avec le coeur chaud et les larmes dans la gorge, cette partie de moi qui se sent si coupable, qui se sent si nulle, si incapable. Qui a dû abandonner dans la souffrance et qui a tant de mal à s'en remettre.

Je l'ai regardé, je l'ai écouté. Je suis restée, avec elle, en présence. Je lui ai ouvert mes bras, elle s'y est jetée.

Je ne l'ai pas jugé. Elle m'a alors partagé son désespoir, car elle pensait que si elle ne voyait pas, cela allait peut-être disparaitre. A la manière d'un enfant qui, dans ses premiers jeux de cache-cache, pense qu'on ne le voit pas lorsqu'il cache ses yeux. Cette partie de moi avait eu l'espoir que, si elle ne regardait pas la souffrance, si elle l'occultait, celle-ci disparaitrait.

Mais elle se rendait compte que non. Que tout était encore là.

Elle avait tant souhaité que personne ne souffre, et que personne ne soit laissé seul dans sa souffrance, qu'elle avait voulu prendre trop de choses en charge, et qu'elle a fini par crouler sous le poids. Se sentant alors inutile et incapable, elle a tout lâché.

Je l'ai écouté. Bon dieu comme je l'ai aimé. Je lui ai tout donné, toute cette empathie, cette compassion, cette compréhension qu'elle aurait tant eu besoin de sentir il y a déjà si longtemps...

Je lui ai dit les mots qu'elle aurait dû entendre à ce moment-là. Qu'elle n'avait pas à prendre en charge tout ça...

Bien vite, elle s'est apaisée dans mes bras, blottie au creux de moi. Elle a entendu que je serai toujours là, qu'elle ne serait plus jamais seule pour traverser tout ça.


Quand le silence a regagné mon coeur et mon corps, j'ai voulu me pencher, sur la petite fille abandonnée. Celle à qui je pensais au debut m'adresser.

J'ai donc demandé, à ma Sagesse, la permission pour aller lui parler.


C'est alors qu'un mur s'est dressé.

Une force énorme m'a d'un coup habité.

Je la sentais dans tous les recoins de mon corps, mon coeur, mon esprit, comme si elle m'habitait dans les moindre recoins. Une force si puissante et si bienveillante que j'en suis restée le souffle coupé.

J'étais en présence d'un gardien.

Ma tête s'est mise à bouger. Comme le fait mon corps lors des soins aux animaux.

Alors j'ai laissé mon corps me guider et ma tête a fait un non, franc, posé. Ce non a empreint chacune des cellules de mon corps. Ferme. Non discutable.

J'ai senti de plus en plus cette force animale m'imprégner. J'étais une Louve.

"NON, je la protège. Personne ne peut atteindre cette petite fille qui a été abandonnée. Personne ne pourra plus lui faire de mal."



J'étais bel et bien face à un gardien, un protecteur. La plus belle qu'il m'ait été donné de rencontrer.

Une Louve géante, à l'énergie d'une Déesse. Le Totem du loup, qui revêtait mes couleurs.

Une partie de moi que je n'avais encore jamais rencontré, qui déployait toute sa grandeur...

Je me sentais toute petite dans toute sa splendeur bienveillante. Et elle était bien décidée à me faire reculer.

Elle était la gardienne de la sécurité de cette enfant et n'était pas décidée à être délogée pour que je puisse y accéder.


A ce moment-là, je ne pensais de toute façon, plus à "forcer" pour aller voir le petit bébé abandonné.

J'étais juste totalement subjuguée. Et intensément touchée, de la rencontrer.

Comme si dans mon voyage intérieur je pouvais me sentir m'agenouiller devant cette beauté sans égale. Elle m'inspirait un très grand respect. Et ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas trop du genre à "plier".

Alors c'est avec elle que j'ai commencé à parler.

Je lui ai dis que bien entendu, si elle ne voulait pas me laisser approcher, je ne verrai pas ce petit bébé abandonné. Que j'avais de toute façon juste eu l'envie de lui parler. Qu'elle m'écoute ou non, j'avais juste eu envie de lui dire des choses importantes qui pourrait sans doute l'aider.


Et j'ai remercié cette Louve, qui était comme une mère pour ce petit bébé que j'avais été. Mon coeur était rempli d'une gratitude que je n'ai jusque là jamais ressenti.

A ce moment là j'incarnais dans mon être, à la fois la grande Sabrina qui venait visiter, la Louve pleine de force et le bébé abandonné. Je sentais les états d'être de chacun, et je pouvais aussi les sentir fusionner. Comme une réunion de trois parties morcelées.

C'est alors qu'elle a levé sa garde, qu'elle s'est tournée pour me laisser m'approcher.

Et j'ai pu voir en spectateur, et à la fois vivre dans mon corps, cette toute petite fille lovée dans le pelage de la Louve, qui s'accrochait, les poings très serrés. Le visage enfoui dans la fourrure, pour ne pas sentir ni voir ce monde si dur. Les yeux fermés on ne peut plus fort, les sanglots infinis, la tristesse, la peur...

Les larmes ont coulé, mon corps a tremblé.

"Merci... merci de me protéger..."


Je sentais cette toison épaisse, douce, chaude et rassurante. Je sentais son odeur sauvage, protectrice, ennivrante.

Je lui ai dit que je n'étais pas là pour l'arracher à sa Louve, que jamais je ne le ferais, que si elle souhaitait s'en detacher elle pourrait le faire, mais que jamais je n'essaierai de les séparer, et jamais, au grand jamais, je ne chasserai cette louve.

Que j'avais juste souhaité venir lui parler.

Elle a pleuré, pleuré pleuré... Elle est descendue et s'est jetée dans mes bras.

"Je suis là. Je suis là pour toi. Je serai toujours là. Tu habites dans mon coeur. Tu ne sera plus jamais seule. Je serais aussi cette Louve, cette maman qui ne laisse personne faire du mal à ses petits, je suis pour toi cette mère aujourdhui. Je suis desolée que tu sois passée par toutes ces tragédies."


Nous avons pleuré ensemble, et je l'ai câliné...

"Plus jamais tu ne seras abandonnée seule dans ta souffrance."

J'ai alors une nouvelle fois vu défiler devant mes yeux comme des photos illustrants de vieux souvenirs. Toutes les fois où j'ai dû vivre des énormes défis de vie, seule, abandonnée dans la souffrance.

Depuis mon premier jour jusqu'à encore un évènement il y a peu.

Et la boucle s'est bouclée.



J'ai regardé tout ça sans ciller, j'ai laissé tout cela traverser, j'ai laissé les larmes couler.

Elle était toute petite dans mes bras, et moi, debout dans la tempête, avec toutes ces images qui défilaient.

Mais je tenais bon. L'adulte, la grande était comme un roc. Ancrée. Enracinée. Debout.



Lorsque je me suis addressée à l'esprit de la Louve, elle m'a alors expliqué, qu'elle était en effet un totem, un gardien, une puissance, mais qu'elle n'était pas extérieure à moi.

Qu'elle était une partie de moi. Et que maintenant qu'elle n'était plus la seule à devoir veiller sur la petite, elle allait pouvoir reprendre sa juste place. Et rester à mes côtés.


Que j'allais retrouver sa force pour incarner moi-même la mère-louve et être pleine avec mes enfants.


Que j'allais pouvoir incarner encore plus pleinement ma place de traductrice auprès des siens, incarnés sur Terre.


Que j'allais renouer avec ma nature profonde, sauvage.

Et que nous étions à jamais liées comme les facettes d'un même diamant, les gouttes d'eau d'un même océan, les parcelles d'une même immensité.






Gratitude à la Vie, à la Terre, à moi, au peuple des canidés, à toi qui me lis.






 
 
 

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© 2022 by Sabrina Guigou. Créé avec beaucoup d'amour, de conscience & de patience.

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