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"Pourquoi tu le tapes ?" Ou les V.E.O sur les animaux.

C'est une histoire qui s'est passée alors que je rencontrais une jeune fille, que je vais nommer Sophie pour garder l'anonymat.


Sophie avait répondu à une annonce que j'avais publiée, pour trouver quelqu'un de confiance qui viendrait s'occuper d'un de mes chevaux, le sortir, le bichonner, le faire travailler à son rythme, le re-muscler, le sortir en extérieur si son état le permettait.

Oui parce que ce cheval, avait un petit soucis de santé. C'est un cheval naviculaire.

Je vais vous passer son histoire, ce n'est pas le but de cet article.

En tous les cas, j'ai recueilli ce cheval au sein de mon association naissante. Mais n'ayant pas de fonds encore dans les caisses de cette association, je m'en occupe comme de mon propre cheval. Financièrement parlant avec mes propres deniers, mais aussi au niveau du temps passé, des soins à faire, du choix des professionnels et des approches pour le suivre et de tout l'attachement qui va avec.

Depuis près de 2 ans, Gaïo n'a pas "travaillé", il n'a plus boité, il a été vu par des professionnels en qui j'ai toute confiance. Podologue, ostéopathe, dentiste, vétérinaire, et par moi-même aussi, pour des soins énergétiques, des traductions de sagesse animale et accompagnements divers.

Donc forcément, j'allais être regardante sur la personne qui viendrait s'occuper de lui. ;)



C'est par manque de temps et voyant qu'il était demandeur, que j'ai posé cette annonce.

En effet, c'est un cheval très proche de l'Homme.

Ou plutôt devrais-je dire : proche de la femme ! Parce qu'en effet les hommes c'est pas son truc... Par contre qu'est ce qu'il est proche de l'humain ! Un vrai toutou ! Alors ne pouvant lui offrir plus, je me suis mise en quête de quelqu'un à qui cela ferait plaisir de venir partager du temps avec lui.

Et j'avais précisé tout un tas de choses dans l'annonce... D'anciennes copines qui se reconnaitront peut-être disaient de moi dans le temps que j'étais "exichiante", il faut croire que c'était toujours d'actualité !

Mes animaux on y fait attention ! Mais encore plus les petits protégés au passé incertain et probablement douloureux...


Et j'ai rencontré Sophie. Qui m'a paru sympathique. Un peu dans le contrôle certes mais c'était la seule prétendante à relever l'annonce que j'avais publiée, en disant : "j'ai beaucoup aimé votre façon de parler de vos chevaux, je me sentais sur la même longueur d'onde, ça m'a donné envie de répondre." (ce qui, à mes yeux, était mieux que,"je préfère m'occuper de la jument plutôt que du cheval parce qu'elle est trop belle" oui oui j'ai eu cette réponse...)

Donc je me dis que la bienveillance, le respect, l'écoute, la non violence sont des sujets auxquels elle est sensible. Et tant mieux car c'es ce que je recherchais, bien au-delà d'un niveau équestre épatant !


Et puis viens la première sortie de Gaïo avec Sophie. Je prends ma jument et Sophie prend Gaïo, juste pour les attacher sur l'aire de pansage.

De quoi permettre à Sophie de faire connaissance avec son futur co-équipier équin.

Les chevaux sont attachés côte à côte et nous commençons à les brosser en discutant.

Je lui donne quelques informations à propos de Gaïo, notamment de la spécificité de ses pieds, qu'il est parfois timide pour donner ses pieds car il a eu très mal et qu'il est encore parfois douloureux. Qu'il faut y aller doucement et féliciter beaucoup. Pour gagner sa confiance.

Puis nous parlons de la violence, je lui dis qu'il n'est pas question d'utiliser la violence avec lui de toute façon, et elle va dans mon sens, rigolant en disant que ça tombait bien car elle n'était pas violente. Comme si c'était plus qu'une évidence.

Le climat semble bon. Le silence revient. J'aime bien observer ce qui se passe dans les silences.

Quelques instants plus tard, Gaïo commence à gratter le sol, je ne le vois pas, affairée à brosser ma jument dos à lui. J'entends son pied qui gratte le sol l'espace de 2 secondes. Puis... "PAF" !

Je me retourne très surprise. Sophie vient de donner une grosse claque sur l'épaule de Gaïo.

Je décide de ne rien dire.

J'observe. Je sens mon cheval tendu. Je reste en connexion avec lui pour le rassurer mais je souhaite observer. Quelques instants plus tard il gratte de nouveau, elle ne lui laisse pas le temps de s'apaiser c'est la voix qui monte, le ton est dur et la voix est forte. "oh!" ça suffit", suivi de nouveau d'une claque sur l'épaule.


Gaïo lève la tête et recule, il est effrayé.

C'est un cheval bien différent de ma jument. Il ne va pas se débattre jusqu'à faire comprendre à l'humain qu'il a tort et qu'il n'est pas prêt à accepter cette soumission injuste. Avec ma jument ça ne se serait pas passé comme ça. Mais Gaïo lui, lorsqu'il a peur, il fige.

Et cette réaction donne encore plus de pouvoir à celui qui est à ses côtés. A celui qui contrôle, qui domine. Et c'est ce que je souhaitais tester.

La blessure de trahison (Lise Bourbeau, les 5 blessures de l'âme) fait naitre le masque du contrôlant. Le besoin de contrôler pour se sentir en sécurité. Croyez-moi, je la connais bien cette histoire là :)

Et dans sa façon d'être, de faire, et juste dans son physique, je sais que Sophie porte cette blessure et donc aussi ce masque lorsqu'elle a besoin de sécurité.

J'entame la dicussion.


- "Pourquoi l'as-tu tapé ?"

Elle semble très surprise de ma question et reste muette comme si elle attendait que je rigole en lui disant que je lui fesais une blague.

- "Pourquoi l'as-tu tapé ?"

- "Je ne l'ai pas "tapé", je l'ai remis à sa place..."


Définition du mot taper : frapper du plat de la main.


- "Je t'assure, tu l'as tapé. Sais-tu me dire pourquoi ?

Et quelle est cette place à laquelle tu voulais le "remettre" en le tapant ?"


Avant de vous compter la suite de notre échange, je vous partage ici quelques mots sur les V.E.O.

V.E.O = Violences Educatives Ordinaires.

C'est une expression que l'on peut entendre et lire régulièrement aujourd'hui dans le domaine de l'enfance. Surtout depuis qu'il a été question d'autoriser ou d'interdire la fessée sur nos enfants. Les violences éducatives ordinaires sont ces gestes, ces paroles que les adultes ont envers les enfants, soit disant pour les éduquer. Qui sont acceptées largement et dispensées encore plus largement au sein de nos familles, etablissements scolaires et autres lieu "d'éducation" des enfants. Ces V.E.O aujourd'hui sont montrées du doigts car on en reconnait ENFIN le caractère délétère à long terme.

Travaillant depuis de longues années avec les enfants et aussi avec les animaux, j'ai fais le rapprochement entre ces deux publics à la fois différents et si semblables.

Les V.E.O touchent aussi énormément nos animaux. Encore plus que nos enfants je crois bien... Et il est, selon moi, plus que temps de changer ces méthodes.



Sophie restait donc bouche bée, comme si elle se rendait seulement compte que c'était bien vrai, elle avait tapé mon cheval... Alors même qu'elle me disait juste avant ne pas utiliser la violence.


Définition du mot violence : abus de la force physique ou moral pour contraindre.


Elle m'a dit qu'elle pensait que c'était normal, qu'elle ne s'était jamais posé la question. Car c'est ce qu'elle a toujours vu faire.

Qu'il fallait les contrôler et les soumettre pour qu'ils répondent à ce que l'on voulait.

J'ai pris cela avec beaucoup de bienveillance et mon but n'était pas de la mettre mal à l'aise mais bien de la faire réfléchir. De sa réaction à notre discussion découlerait la décision de lui autoriser de s'occuper de Gaïo ou non.

Je ne cherchais pas quelqu'un de parfait (après tout j'avais moi aussi donné des claques à ma jument il n'y avait pas si longtemps que ça, en reproduisant simplement ce que j'avais vu faire moi aussi), mais quelqu'un sachant réflechir et se poser des questions pour avancer, évoluer, comprendre.


Alors je vois Sophie tentant de refaire surface.

Elle dit qu'elle l'a "un peu tapé" pour le punir puisqu'il avait fait quelque chose qu'il n'a pas le droit de faire.


- "Qu'a-t-il fait au juste ?"

-" Il a gratté d'impatience !"

- "Et pourquoi penses-tu qu'il n'a pas le droit de gratter le sol ? D'impatience ou autre d'ailleurs."

-" Ben.... ben..."


[petite note avant de continuer à écrire, je vous assure que je n'avais pas attaché Sophie sur sa chaise dans une chambre sombre et que je ne lui braquait pas une lampe en plein dans les yeux. Je précise parce qu'en me relisant je pense qu'on pourrait le croire ;) ]


Donc j'ai vu que pour elle c'était juste une règle apprise : un cheval ne doit pas gratter le sol. Et je lui ai demandé

-" Pourquoi penses-tu qu'un cheval ne doit pas gratter le sol ?"

- "Et ben c'est une provocation, donc je dois prendre ma place tout de suite. Ne pas laisser faire. Sinon après c'est fichu."


Ahhh c'est donc bien ça. On en est là. C'est l'histoire du lui ou moi. Ces vieux schémas sont lourds à déloger.

Alors il est vrai qu'avec un animal qui pèse une demie-tonne, il est bon de savoir où est sa propre place et de se faire respecter.

Mais justement, comment on prend sa place ? De façon juste je veux dire. Pas en le tapant pour le dominer.

Il vaut mieux l'apprendre maintenant, ouvrir le sujet maintenant parce que, s'il y a bien un sujet que les chevaux aiment à ouvrir avec nous les humains qui nous occuppons d'eux c'est bien cette histoire de place (là aussi je sais de quoi je parle, et c'est pas encore résolu chez moi!!)

Et ça n'est pas que prendre sa place avec le cheval. C'est prendre sa place en général. Ici ça n'est qu'un reflet de sa place en général. Dans le monde. Auprès de ses collègues de boulot, dans sa famille, dans son cercles d'amis...


Gaïo commençait déjà à la guider. Et je me devais de l'en avertir. Pour ne pas aller au crash. Car il n'était pas question que quelqu'un tape Gaïo. Et si lui aussi devait apprendre à prendre sa juste place (parfois envahissant mon petit pot de colle ! ), il devait trouver en face de lui quelqu'un de conscient de ce qui se jouait.

En effet si Sophie voulait toujours travailler avec Gaïo, elle allait devoir apprendre à connaitre sa place. Et probablement de ce qui m'était donné de ressentir, de commencer par accepter qu'une part d'elle doit croire qu'il n'y a pas de place pour elle, qu'elle ne vaut pas grand chose, qu'elle est une personne sans importance, qu'on ne respecte pas... Blessure de trahison quoi...

C'est ce que mon brave Gaïo a commencé à lui sussurer à l'oreille en grattant le sol du bout du pied. Et nous allons voir si Sophie veut bien l'entendre ou si c'est trop dur, pas le moment, pas l'endroit, pas ce qu'elle est venue chercher. Après tout elle a le droit de dire non hein :)

En même temps j'ai prévenu sur l'annonce que c'était une demie pension un peu spéciale, mais que si les personnes intéressées acceptaient de porter un nouveau regard sur leur relation au cheval, elles en serait possiblement ravies ou en tout cas grandies ;)


Je continue.

-" A ton avis, pourquoi gratte-t-il le sol vraiment ? Parce que moi je suis sûre que ça n'est pas pour te provoquer."

-" Je ne sais pas..."

-" Ok, tu ne sais pas, mais essaie d'inventer une hypothèse."

Sophie ne voit vraiment pas...

Alors je lui propose des solutions : "Peut-être qu'il s'ennuie ? Peut-être qu'il est mal à l'aise et qu'il cherche à faire sortir ce malaise ?"


Imaginons qu'une maman emmène son enfant chez le coiffeur. C'est la première fois que le petit voit le coiffeur. Sa maman le laisse au bac à shampoing et va lire un magazine plus loin. Le petit s'ennuie, il ne se sent pas très à son aise, un monsieur qu'il ne connait pas lui frotte les cheveux en les tirant, en plus l'eau est trop chaude, la musique trop forte, alors le petit ne se sentant pas très bien commence à s'agiter un peu. Il a les pieds qui commencent à tambouriner légèrement sur le bas du siège où il est assis.

Croyez-vous qu'il le fait pour provoquer le coiffeur ?

Croyez-vous que le coiffeur doit lui fiche une baigne direct ou sinon il est cuit pour pouvoir lui faire une coupe ensuite ?

Croyez-vous que sa maman va regarder la coiffeuse fiche une baigne à son petit comme ça en disant "ben oui c'est comme ça qu'on doit faire" ?

Il est temps, plus que temps de changer notre façon de regarder les animaux.

Je ne dis pas là que nos enfants sont des animaux. Je dis que les animaux ont le droit d'avoir autant de respect que nos enfants.

C'est un droit qui leur est donné en naissant sur cette Terre.

Oh je sais, il y a de nombreux être humains qui ne respectent pas non plus leurs enfants, mais là c'est un autre sujet.

Celui qui n'est pas capable de donner tout son respect à l'animal n'a pas à être à ses côtés. L'animal n'est pas un objet, un moyen de faire sortir les tensions de la vie quotidienne, un moyen de s'affirmer quand on n'y arrive pas dans la vie courante, un moyen de frimer, de se sentir beau, fort, riche. Ce n'est pas un faire valoir quoi, c'est un être vivant qui a lui aussi des besoins. Et ça n'est pas parce qu'il n'a pas la parole qu'il est moins que nous.

Bien au contraire. Mon coeur me l'avait déjà dit il y a de très longues années, mon métier me l'a prouvé de multiples fois.


Sophie a dit merci ce jour là. Je ne sais pas si elle était sincère ou si c'était une convenance, une réponse apprise et automatique là encore. Mais je ne me voyais pas repartir pour creuser ! ;)

Elle était mal à l'aise, des larmes retenues dans la gorge. Alors je me suis excusée.

Parce que mon but n'était pas de la mettre mal à l'aise mais je l'avais fait quand même.

Elle n'a pas voulu de mes excuses, elle m'a dit :

-"Non, c'est moi qui m'excuse... En fait je ne m'en rends compte que maintenant mais c'est un peu comme si j'avais trop peur d'être comme ... démasquée... Je sais pas trop comment dire... Je me fais toujours avoir... Je dis bonjour on me répond pas, je fais la queue on me passe devant, même quand je promène mon chien c'est lui qui me promène ! J'ai trop honte de pas savoir m'affirmer et j'avais trop peur qu'avec Gaïo ça fasse pareil, trop peur que tu vois que je sais pas m'affirmer, alors j'ai voulu montrer que je savais prendre ma place... En faisant comme toutes ces personnes si sure d'elles et qui y arrivent.

Je voudrait être comme elles parfois... Si sure d'elles, pouvoir monter à cheval sans se poser de questions..."


Je lui ai repondu que ces personnes devaient au contraire avoir peur de quelque chose aussi si elles usaient de la force. Peur de perdre la face surement. Peur de montrer une "faiblesse" comme beaucoup sur cette Terre (là aussi je sais de quoi je parle, héhé on n'attire pas les autres au hasard hein!! ;) )

Sophie a acquiescé sans s'arrêter pendant que je lui disais ces mots, elle n'a pas pu faire autrement que de laisser quelques larmes couler. Elle s'est tournée vers Gaïo qui étrangement, durant tout le temps de cet échange n'a pas bougé un brin de sabot et s'est même biiiien détendu, encolure basse, lèvre inférieure pendante et autre joyeuseté ;)

Je lui ai dis que ce dont il avait besoin et moi aussi, ce n'était pas qu'elle soit sûre d'elle, mais au courant et authentique sur le fait qu'elle ne l'était pas ;)

Alternances de rires et de pleurs où Sophie dit merci de nouveau, mais pas à moi cette fois-ci. A Gaïo.


Le lendemain matin Sophie m'appelle. Elle me dit qu'elle a trouvé cet echange "hors du temps", qu'après une nuit de sommeil elle sent le besoin de m'appeler pour s'assurer que ça a bien eu lieu, qu'elle ne s'attendait pas à ça, même avec l'annonce que j'avais mis et qui l'avait fortement intriguée. Que ça avait été à la fois fantastique et dur à vivre.

Je la comprenais bien. Malgré toute ma bienveillance, ce devait avoir eu un peu l'effet d'une claque.

Celle qu'elle avait elle-même donné la seconde d'avant à mon cheval peut-être ;)

Héhé..! Quand la vie te renvoie ce que tu as donné ;)

Je lui ai demandé si elle souhaitait continuer à venir s'occuper de Gaïo. Elle m'a dit oui, un peu plus tard dans quelques mois. Déjà parce qu'elle avait été prolongée de 6 mois à son boulot et qu'elle n'aurait plus autant de temps mais aussi parce qu'elle souhaiterait d'abord être accompagnée un peu personnellement avant de revenir vers lui.

Et depuis, Sophie est venu me voir à mon cabinet et vous savez quoi ? Le sujet qu'elle a choisi, d'elle même, c'est "oser prendre ma place".


Voyez comme les chevaux parlent bien... Pas très fort non, il faut être attentifs pour les entendre... Mais pour ceux qui écoutent, ils ont tout un trésor à partager...




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